Contester une indemnisation pour dommages corporels
En l’état actuel de la législation, seule la garantie de responsabilité civile automobile est obligatoire. Or celle-ci intervient uniquement pour dédommager les tiers (automobilistes, piétons, passagers…) auxquels vous pourriez causer un préjudice lorsque vous prenez le volant. En revanche, aucune protection n’est prévue pour couvrir vos dommages, en tant que conducteur, si vous êtes responsable d’un accident de la circulation. Une lacune que le ministère de la Justice aimerait réparer en proposant à l’avenir d’inclure avec la responsabilité civile (RC) obligatoire une « garantie conducteur ». La réforme bute toutefois sur deux écueils de taille. Premièrement, son coût, qui surenchérirait les primes automobiles dont le niveau actuel dissuade déjà un certain nombre de Français de s’assurer. Deuxièmement, un tel système remettrait totalement en cause la philosophie des contrats puisque dans ce schéma le conducteur fautif (hors faute inexcusable) serait assimilé à un tiers et serait donc indemnisé par l'assurance de sa ou ses victimes ! « Outre le risque de déresponsabilisation, en l’état de la réforme, cela concernerait uniquement les accidents impliquant deux véhicules, laissant hors champ tous ceux qui se blessent seuls, soit environ la moitié des 73 000 accidents corporels recensés en 2017 », souligne par ailleurs Eddie Bernard, responsable du dommage corporel à la MAIF. Des freins qui expliquent sans doute que le projet de loi dans les cartons depuis 2017 tarde à voir le jour. En attendant, les conducteurs doivent redoubler de vigilance, relire leur contrat et, si nécessaire, prendre les dispositions qui s’imposent.
Quelle assurance pour couvrir le conducteur responsable d'un accident ou seul impliqué ?
Lorsqu’un conducteur est victime d’un accident, c’est l’assurance de l’automobiliste responsable qui indemnise ses dommages corporels et matériels dans le cadre de la garantie responsabilité civile obligatoire de celui-ci. Autrement dit, « si vous êtes victime d’un accident en tant que conducteur, vous serez couvert à 100 %, et de façon illimitée par l’assureur de l’automobiliste fautif, auteur de l’accident », rappelle Stanislas Di Vittorio fondateur et directeur général d'Assurland.com.
« En revanche, met-on en garde chez Axa France, sans « garantie du conducteur » au sein de son contrat automobile, le conducteur responsable de l’accident, lui, ne sera pas indemnisé pour ses propres dommages. La « garantie du conducteur » bien que non obligatoire s’avère donc essentielle. » Le même raisonnement prévaut lorsque l’automobiliste partage la responsabilité du sinistre avec un tiers. Car son indemnisation sera alors réduite à proportion. Par exemple, si la responsabilité est partagée moitié-moitié, il ne percevra que 50 % de l’indemnisation de son préjudice chiffré, via la garantie responsabilité civile de l’autre conducteur. Résultat, à défaut de garantie conducteur, il ne percevra aucun dédommagement pour les 50 % restants.
Qu’appelle-t-on la garantie conducteur ?
« Lorsque le conducteur est responsable ou victime d’un glissement de terrain, de chutes de pierre, perd le contrôle de son véhicule… : cette garantie couvre ses frais médicaux, d’hospitalisation et son préjudice moral consécutifs à l’accident ou ceux de ses ayants droit en cas de décès (conjoint, partenaire, concubin, enfants…), détaille Jean-Sébastien Nénon, directeur des opérations chez LesFurets.com. La compagnie compense également ses éventuelles baisses ou pertes de revenus en cas d’arrêt de travail », précise-t-il. En d’autres termes, cette garantie permet au conducteur d’être indemnisé de ses dommages corporels subis lors d’un accident de la circulation dont il est responsable ou bien pour lequel aucun responsable ne sera ou ne pourra être identifié (délit de fuite…).
Situation du conducteur lors de l'accident | Sans garantie du conducteur | Avec garantie du conducteur |
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Responsable avec un tiers | Aucune indemnisation | Indemnisation dans la limite du plafond souscrit |
Responsable sans tiers |
Non responsable avec un tiers responsable identifié et assuré | Idemnisation des préjudices subis par la responsabilité civile (RC) du tiers responsable |
(source : Axa France)
Bénéficiez-vous automatiquement de cette protection dans votre contrat automobile ?
Non, la garantie du conducteur est parfois incluse dans votre contrat automobile, mais pas toujours. Elle reste optionnelle chez certains assureurs qui la proposent lors de la souscription. « Relisez votre contrat. Et, si vous n’en bénéficiez pas, souscrivez-la », conseille Jean-Sébastien Nénon. Mais même dans ce cas, renseignez-vous. « Car lorsqu’elle est intégrée au contrat, les plafonds d’indemnisation restent souvent limités et risquent de s’avérer insuffisants en cas d’accident grave », constate Stanislas Di Vittorio. « Si votre budget vous le permet, mieux vaut alors prendre une option avec un plafond d’indemnisation minimum de 500 000 euros et plus », recommande Martin Coriat, directeur général de LeLynx.fr.
Où souscrire une garantie du conducteur ? En principe auprès de votre assureur automobile mais ce n’est pas la seule alternative qui s’offre à vous. Ainsi, à la MAIF, la protection étendue du conducteur dénommée « PACS » est également proposée aux automobilistes non assurés auprès du mutualiste. Ce contrat souscrit de façon autonome vous reviendra à 75,01 euros par an, contre une cotisation annuelle de 48,53 euros si vous détenez déjà un ou deux véhicules assurés et 62 euros pour trois véhicules assurés ou plus.
Votre garantie est-elle liée à votre véhicule ou au conducteur ?
Ca dépend des contrats. La garantie du conducteur peut être liée :
- au conducteur : ici, votre contrat automobile vous couvre si vous avez un accident responsable quel que soit le véhicule à moteur deux roues ou quatre roues que vous conduisez, (c'est le cas à la MAIF par exemple). Attention ! La nature des véhicules garantis peut varier d’un contrat à l’autre.
- au véhicule : si votre garantie est attachée à votre véhicule, vous ne bénéficierez d’aucune prise en charge en cas d’accident responsable survenu avec un véhicule en location ou prêté par exemple. « Un point important à vérifier, observe Jean-Sébastien Nénon, surtout pour les adeptes de l’économie collaborative (location entre particuliers, autopartage…). » Et si vous prêtez votre voiture ? Attention également, la plupart du temps seules les personnes nommées au contrat sont couvertes.
Comment serez-vous indemnisé en cas de dommages corporels avec une garantie du conducteur ?
Deux modes d’indemnisation coexistent en la matière : « indemnitaire » ou « forfaitaire », un certain nombre de contrats couplant les deux formules.
- Le principe indemnitaire. L’ensemble des préjudices de l’assuré est indemnisé à partir d’un taux minimum d’invalidité permanente (5 %, 10 %, 30 %…) et dans la limite d’un plafond global fixé au contrat. À titre d’exemple, la garantie personnelle du conducteur d’AXA France propose plusieurs plafonds aux assurés : 250 000 euros, 500 000 euros, 1 million ou 2 millions d’euros. Elle prend notamment en charge, en cas de blessures du conducteur, ses dépenses de santé, ses pertes de gains professionnels, son déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire le handicap que la victime va conserver définitivement (avec une franchise de 10 %), l’assistance d’une tierce personne, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d’agrément, les frais d’adaptation du logement et/ou du véhicule…En cas de décès du conducteur, elle couvre les pertes de revenus des ayants droit, le préjudice d’affection ainsi que les frais d’obsèques. Attention ! L’indemnisation se calcule toujours déduction faite des prestations à caractère indemnitaire versées par les tiers payeurs comme la sécurité sociale, les mutuelles… comme le stipule l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 relative à l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.
- Le principe forfaitaire. Dès la souscription, le contrat détermine le(s) montant(s) en capital et/ou en rente qui sera(ont) versé(s) au(x) bénéficiaire(s) par poste de préjudice.
Des différences importantes qui justifient, lors de la souscription, de vérifier le fonctionnement de la garantie du conducteur proposée par l’assureur ainsi que les franchises (seuil d’invalidité au-dessus duquel la garantie fonctionnera) et les plafonds prévus au contrat.
Quelle garantie privilégier : « indemnitaire » ou « forfaitaire » ?
Réponse d’Eddie Bernard « beaucoup de dossiers graves dépassant les 10 millions d’euros de préjudice, mieux vaut opter pour une formule « indemnitaire » ou « forfaitaire » avec des plafonds élevés ». En tout état de cause, avant de souscrire apprenez à décrypter l’offre. Que signifie par exemple une franchise d’incapacité permanente partielle (IPP) fixée à 10 % et un plafond à 250 000 euros ? « Tout simplement, que l’assureur n’interviendra pas dans les 90 % des « petits » accidents corporels entraînant une IPP inférieure à 10 % et que dans les 10 % des accidents les plus graves, le plafond de 250 000 euros ne couvrira pas correctement les plus gros dommages corporels, l’indemnisation étant calculée en multipliant le montant plafond et le taux d’IPP, décode Eddie Bernard. A contrario un plafond d’indemnisation élevé et un seuil d’IPP à partir de 30 % assureront une couverture correcte des accidents graves. »
Dans la même logique, Martin Coriat préconise« des plafonds plutôt élevés, au-delà de 500 000 euros et plus. Car des plafonds trop bas ne vous protégeront pas assez en cas d’invalidité totale ou partielle notamment. Résultat, vous pensez être couvert alors qu’en réalité vous ne l’êtes pas ou très mal ! »
Les autres points à vérifier avant de souscrire ?
- Outre la comparaison des formules, des franchises au-dessous desquelles le contrat ne joue pas, des plafonds proposés, du contenu de l’assistance, il faut regarder s’il existe ou non des sous-limites par type de préjudice, plus restrictives que le plafond global.
- Autre point de vigilance : la territorialité. La garantie du conducteur ne s’appliquant pas de la même façon (ou pas du tout) à l’étranger.
- Enfin, comme pour n’importe quel autre contrat, consultez également les exclusions figurant au contrat. Vous retrouverez invariablement les mêmes d’un assureur à l’autre : la conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants, la conduite d’un véhicule non immatriculé, d’une épave interdite à la circulation, le défaut de permis, les comportements fautifs (excès de très grande vitesse, refus de priorité…), la conduite sur circuit, la participation à des courses ou des compétitions ainsi que les sinistres causés intentionnellement.
Existe-t-il d’autres contrats susceptibles d’intervenir pour couvrir les blessures ou le décès d’un conducteur responsable ?
Ne comptez pas sur votre garantie des accidents de la vie (GAV) pour vous indemniser. La plupart excluent les accidents de la circulation de leur champ d’intervention. Un point à vérifier toutefois auprès de votre assureur. En revanche, en cas d’incapacité, d’invalidité ou de décès du conducteur responsable à la suite d’un accident de la circulation, certains contrats individuels accidents toutes causes peuvent intervenir. Ces derniers, souscrits à titre individuel, via la prévoyance de votre entreprise ou intégrés aux assurances de votre carte bancaire, prévoient le plus souvent le versement d’un capital ou d’une rente en cas de réalisation du risque. Leur montant prédéterminé est fixé lors de la signature du contrat. Ce type d’indemnisation « forfaitaire » peut se cumuler avec les prestations « indemnitaires » perçues via la garantie conducteur notamment.
« Enfin, pensez-y, signale Martin Coriat. Parmi les autres contrats pouvant vous couvrir figure l’assurance emprunteur. Celle-ci compense votre perte de revenus en cas d’accident ou prend en charge tout ou partie de vos remboursements de prêt. En revanche, elle ne couvre ni vos frais de soins, ni la perte de chance, ni votre préjudice. »